Que ce soit une interview, un témoignage, une fiction ou une simple narration, le podcast tire sa raison d’être de la parole et du vivant. Il nous offre l’opportunité formidable de réintégrer l’oralité et la transmission dans nos quotidiens. Cette pratique ancestrale revient en force dans nos sociétés modernes comme un élan nostalgique, après avoir été déprisée au profit de l’écrit.
Que signifie ce besoin de revenir à une culture orale ? Doit-on y voir le signe d’un changement sociétal profond ? 

L’oralité supplantée par l’écrit

Qu’ils soient réels ou imaginaires, les récits oraux existent depuis des millénaires et sont apparus bien avant l’invention de l’écriture. Ils permettaient de perpétuer les informations et messages importants entre générations. Mais la transmission orale a vite montré ses limites : la parole par essence immatérielle se perdait à la mort de celui qui la conservait. L’invention de systèmes d’écriture est donc devenue une nécessité pour que les sociétés humaines développent relations sociales, commerce, religion, art… Pourtant très ingénieuse, l’écriture alphabétique n’est jamais parvenue à traduire toutes les dimensions portées par la parole. Elle reste une transposition matérielle, une traduction imparfaite de l’oral. Elle ne pourra jamais exprimer efficacement la personnalité de celui qui pense ou les émotions subtiles qui l’animent et qui s’expriment grâce à la voix. Cette culture de l’écrit bien ancrée dans nos sociétés modernes s’inscrit dans le monde matériel des objets, de la technologie par opposition à celle du vivant, des émotions et de l’ineffable. 

Revenir aux sources du vivant

Le podcast renoue avec une pratique vieille comme le monde : celle d’écouter des histoires, un des fondements de nos sociétés. D’après les psychologues et les neuroscientifiques, le récit oral est enraciné dans notre histoire en tant qu’animal social. Les histoires ont d’ailleurs le pouvoir unique de persuader et motiver, parce qu’elles font appel à nos émotions et à notre capacité d’empathie. Tous les peuples, partout dans le monde, racontent des histoires non écrites et continuent à le faire pour se divertir, partager, apprendre, se souvenir ou juste pour passer le temps et in fine créer du lien avec l’autre.

Aujourd’hui, le cinéma, la télévision et le théâtre sont aussi des moyens de transmettre des histoires. Et le podcast s’inscrit dans cette lignée, mais en y apportant d’autres dimensions plus humaines et authentiques. Sans l’image, on peut se concentrer sur la voix, l’intonation, l’émotion, favoriser l’imaginaire, la proximité et l’intimité avec celui qui parle. On se met plus facilement en empathie en écoutant le locuteur qui nous parle au creux de l’oreille. La voix touche directement nos capacités cognitives, l’émotion est plus intense.

L’ère conversationnelle 

On le constate, l’oralité reprend sa place dans notre quotidien, grâce au podcast, mais aussi avec l’émergence rapide des assistants vocaux : nous parlons à Siri, à nos assistants personnels ou encore à nos enceintes connectées. On délaisse les SMS écrits pour envoyer des “vocaux” (messages audio), plus rapides et moins ambigus. Il est évident que nous entrons dans une nouvelle ère, celle du conversationnel, où nous parlons aussi avec les machines. Cela peut sembler paradoxal, mais l’intelligence artificielle vient aussi booster les forces de l’oral : rapidité, efficacité du sens, accessibilité à tous… et rendre son retour possible en comblant ses limites : l’éphémère devient durable et le vocal le nouveau clic humain.

En ces temps de changements et de pertes de repères, nombreux sont ceux qui ressentent un besoin urgent à revenir à leur nature profonde. Les tendances se contredisent et les paradoxes se creusent entre un retour à nous-mêmes et l’émergence de l’intelligence artificielle, des avatars et des métavers. Peut-être que le podcast répond-il à cette quête de lien social, de chaleur humaine dans un monde qui se complexifie et se virtualise. 

👉 A écouter : chronique de la saison 1 de « Part de Voix »